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La renaissance des quartiers anciens comme mode de continuité dans la ville

6 Mai 2010 , Rédigé par Nadir BOUMAZA Publié dans #Patrimoine urbain - Paysage - Centres historiques

texte paru dans Colette VALAT et al. La perennité urbaine ou la ville et ses métamorphoses, l'harmattan, 2008,

Sur la pérennité urbaine :

La renaissance des quartiers anciens comme mode de continuité dans la ville

Comment faire, refaire ou parfaire la ville qu’elle soit nouvelle, ancienne ou composite ? S’agit-il de revenir aux règles traditionnelles de « l’édification », ces retours étant souvent caricaturés en termes architecturaux et urbanistiques dans des démarches comme celles du « façadisme » et, en termes politiques, dans la reconstruction de la citoyenneté ou la reformulation de principes anciens de

citoyenneté ou de républicanisme ? A ces interrogations, il nous semble utile aujourd’hui de construire une prise en compte de la ville existante à partir de l’expérience concrète qui s’y déroule et des lectures fondamentales qui peuvent être faites de la réinscription de la ville ancienne dans la ville contemporaine Nous faisons droit ici, à la double nécessité d’analyser les processus et les pratiques pour en saisir les logiques, fondements et intérêts en jeu au sein des villes, et de connaître de façon toujours plus fine et actualisée les fondements du fait urbain.

Si la démarche urbanistique consiste précisément et en ses fondamentaux, à créer la ville à partir de l’existant, du projet, de l’utopie et sur la base de l’expérience et des références, il reste que les modèles en action tendent à paraître désordonnés et soumis aux traits de l’urgence ou de la réponse parfois raccourcie, aux inquiétudes politiques .telles que formulées dans les discours. Nos sociétés proposent pourtant des inflexions décisives et des ruptures des manières d’agir et même de penser l’existant avec notamment, les notions de ville durable et l’ensemble des critiques adressées à la décision, à l’action et aux logiques d’intérêt ou de routine organisationnelle qui les fondent.

 

1-Ce que nous apprend l’évolution de la ville ancienne c’est l’effectuation d’une rupture des processus et l’infirmation des condamnations de la ville dite traditionnelle

 

Du rapport à la modernité

En substituant les systèmes productifs de masse et des rythmes conséquents de croissance urbaine à ce que l’humanité a développé pendant de longs millénaires comme systèmes vernaculaires, la révolution industrielle avait effectué une rupture historique dont il importe de savoir comment elle peut être dépassée aujourd’hui. Alors que l’urbanisation industrielle avait remis en cause la ville existante et généré une modernité particulièrement destructrice à la fin du fordisme, l’urbanisation contemporaine qui se déroule à l’échelle mondiale est à la fois plus rapide, plus étale, moins en rupture avec la ville existante.et accompagnée de la prise de conscience des dégradations de l’environnement et de nombreuses impasses des transformations sociales et écologiques. Une nouvelle rupture enclencherait la construction de la ville durable. (Françoise Choay). Elle signifierait que la rupture du 20ème siècle formalisée par l’urbanisme progressiste corbuséen n’aura été qu’une parenthèse et qu’ainsi se posent les questions politique et scientifique de la décision de faire autrement la ville c'est-à-dire de connaître le secret de sa production dans des situations historiques et culturelles données.

Nous voulons à cet effet interroger les fondements invariants de la ville durable ou pérenne et par là même, le passage d’une ville à une autre, les notions de permanence et de durée de la ville figurée par les quartiers anciens.et discuter les ambigüités de notions de ville traditionnelle, ancienne et moderne .

-       La renaissance de la ville ancienne n’est elle pas celle d’un urbanisme qui révélerait des traits de durabilité et les limites des productions urbaines conjoncturelles ?

-       Ne peut-on à l’inverse analyser la renaissance des quartiers anciens est un mode de production d’une ville nouvelle contemporaine à l’intérieur de la ville ancienne.

-        

En considérant le jeu en arrière plan des représentations qui figurent la ville idéale à travers des âges et des formes considérées comme perdues, nous postulons que la renaissance de la ville ancienne signifie d’abord la force de l’histoire et la prégnance d’invariants que traduirait la force des sites, de la mémoire et des identités urbaines faites structures Cette renaissance renvoie aux débats constitués au 19ème siècle et formulés par Françoise CHOAY dans la confrontation entre ce qu’elle a appelé l’urbanisme culturaliste et l‘urbanisme progressiste. Elle permet de rediscuter le rapport à la modernité dont les approches ne sauraient être réduites à celles, radicale du 20ème siècle.

 

Substituer l’examen des dynamiques au procès de la ville et de la société

Les discours contemporains les plus récurrents sur la ville insistent sur l’effacement de celle ci devant l’urbanisation dont les processus, les formes et les contenus sociaux sont considérés comme générateurs de « maux sociaux » : la ségrégation, l’anomie, la violence, la difficulté de gouvernement, et la détermination des pratiques par les phénomènes économiques, les logiques spéculatives, commerciales, etc., ce sont là des qualifications récurrentes de la ville qui semble orientée par à ce qu’en font les processus sociaux les plus manifestes Certains chercheurs comme ceux du Laboratoire de sociologie urbaine de Lausanne insistent sur la mutation profonde.qui, depuis une quarantaine d'années, transforme la ville compacte héritée de l'histoire, dense, délimitée, et marquée par la congruence entre contiguïté spatiale et proximités sociales », en particulier à partir de la mobilité. Cette transformation contemporaine de la ville analysée par Henri LEFEVRE à partir de l’opposition entre la ville et l’urbanisation, suggère une recherche des invariants tant à partir des permanences que constitue la ville ancienne, qu’à travers les faits de l’urbanisation et les mutations de la ville. Elle nous amène à privilégier dans notre réflexion sur les invariants trois champs principaux :

-                   les dynamiques urbaines constituées en lien avec les héritages et génératrices de renouvellement. Le rapport ente la ville et l’urbanisation apparaît ici comme celui de la capacité de la ville à transformer les termes de l’urbanisation e les ingérant c'est-à-dire en faisant des facteurs de perturbation et de transformation de la ville les supports de son renouvellement et de réinscription des permanences dans le présent

-                   la notion de permanence formalisée par la longévité de lieux, de pratiques et de symbiose entre la ville matérielle et les socialités de sorte que les lieux et espaces transcendent l’histoire et le moment et apparaissent dotés d’une  autonomie minimale à l’intérieur de son périmètre

-                   une identité de la ville au sein des territoires. avec lesquels elles entretiennent des relations « naturelles » de commandement urbain certes mais aussi et surtout d’imprégnation réciproque. L’identité de la ville ne saurait être considérée comme essence ou comme culture inhérente aux lieux, qui seraient eux-mêmes réduits à une géographie naturelle. Elle tient de cette permanence comme des dynamiques.

Les invariants tels que constitués dans les relations entre ces champs, peuvent se matérialiser dans les morphologies, les espaces, les fonctions sociales et les cultures urbaines sous forme de trames, de sens et signes, commodité et ambiances.

 

2- La renaissance des quartiers anciens n’est pas un mouvement de retour passéiste mais un processus de continuation par transformation de la ville sur la longue durée

Ville moderne, ville traditionnelle : modèles et pérennité

A la ville moderne générée par l’urbanisation telle que définie par Henri LEFEVRE, les représentations et les discours des spécialistes ont régulièrement opposé la ville ancienne considérée comme traditionnelle et présentant une longue durée alors que l’autre serait caractérisée par une faible durée, par la précarité voire, l’insalubrité pour les composantes spontanées et pauvres des pays du sud. Cette opposition rapportée aux courants de l’urbanisme progressiste et de l’urbanisme culturaliste (CHOAY, F., 1973) permet d’identifier des relations duelles entre modèles, (ville malade/ville saine, belle et agréable, ville spontanée/ville planifiée, ville ancienne/ville récente, ville moderne/ville traditionnelle), contenues dans les démarches philosophiques comme celles de l’utopie (critique de la ville existante/bonne ville destinée à son remplacement) et dans les démarches des concepteurs, ingénieurs, politiques et décideurs.

Encore actifs et efficaces, ces couples d’opposition tendent cependant pas à être dépassés avec les approches en termes de développement durable urbain et plus largement avec les démarches visant à réinstaurer un rapport local et politique à l’espace.

 

La ville entre représentations, réel et utopie

  

Ces concepts et approches dans lesquelles s’articulent des postures diverses, de nature idéologique, scientifique, culturelle ou politique, prônent ainsi le mixage et la continuité entre les catégories. Ils posent de façon nouvelle, la relation de la ville contemporaine à la ville ancienne, en tant que celle-ci est une œuvre qui contient les traditions et les vertus durables des cultures vernaculaires mettant au premier plan les difficultés de mise en œuvre de leurs principes constructifs, non seulement dans les constructions nouvelles mais également dans la ville existante et dans la gestion et la requalification des composantes les plus anciennes.

En examinant les transformations des centres historiques et des quartiers anciens comme milieu privilégié pour l’identification des modes d’inscription des héritages dans le présent urbain, nous devrions pouvoir mieux comprendre ce qui fait la ville. Nous abordons par là, les quartiers anciens comme un mélange du passé et du présent dans un espace singularisé par ses formes architecturales, urbanistiques, culturelles et sociales, ses significations et par les productions sociales dont il constitue le cadre, la matière. Considérés comme outil de lecture des modes de confrontation et d’association d’ensembles urbains d’époques différentes, les quartiers anciens font apparaître en situation urbaine, les qualités inhérentes aux unités constructives en rapport avec l’histoire de leur construction et de leur évolution. Les constantes des villes que sont les morphologies, les volumétries et leur esthétique indiquent la variabilité des usages et des aménagements qui en résultent. Se constituent ainsi «ces forces données que sont la transformation des villes »  (Camilo SITTE) qui orientent la recherche du sens dans l’histoire des ensembles urbains, donnant la possibilité de comprendre la spécificité de chaque cas et de prolonger l’histoire dans l’adaptation aux sociétés présentes.

Les centres historiques peuvent être considérées de ce point de vue non pas seulement comme un héritage mais comme une œuvre collective orientée et déterminée par le jeu des forces économiques, culturelles et urbaines contenant les invariants et les marques des présents en devenir.

 

3 Un mouvement universel : le tri, l’intégration et l’adaptation

La mutation longue des quartiers

A l’intérieur des trames urbaines, du bâti et des ambiances urbaines, les habitants et les usagers des quartiers anciens offrent une image de compositions sociales et de socialités urbaines singulières. Ces compositions sont d’abord une résultante des transformations des quartiers anciens consécutive à leur dégradation et à leur amputation par des destructions. Elles s’inscrivent dans les dynamiques complexes du recyclage urbain.par l’accueil de populations et d’activités spécifiques et en évolution. On a pu ainsi y observer des formes propres de tri urbain associées à des logiques d’intégration de populations nouvelles et d’adaptation des espaces aux reconversions et recyclage.

A l’échelle de l’ensemble de l’Europe occidentale les processus de tri, d’intégration et d’adaptation des espaces ont démarré au cours du 19ème siècle et n’ont cessé d’évoluer, produisant d’une part les quartiers haussmaniens et d’autre part des quartiers composites dont la dominante populaire est restée liée aux activités d’industrie et de commerce. Les situations constituées à l’issue de la guerre étaient celles de villes dont l’obsolescence ancienne a été aggravée par la guerre et par la crise économique. La reconstruction qui s’y écoule dans les années 50, achève le départ des classes riches vers les maisons, villas et appartements dotés du confort moderne, pendant que les quartiers anciens connaissent une aggravation de leur vétusté et de l’inconfort, ce qui fait baisser les coûts du loyer et même de la propriété à une période où les procédures de prêt n’intégraient pas suffisamment les frais de réhabilitation par l’aide adaptée à la pierre. Les années 60 sont celles d’une précipitation de la recomposition sociale de quartiers souvent affectés par les démolitions, rénovations et amputations par des emprises de travaux d’aménagement.

L’arrivée de couches nouvelles ne commence que dans les années 70 du fait de transformations culturelles. Des composantes des peuplements constitués principalement par les jeunes générations des années 60 et 70 : étudiants et jeunes actifs fixés par la centralité immigrants, maghrébins, et autres méditerranéens, locataires et actifs soit de services locaux soit de chantiers du bâtiment, s’y sont ajoutés aux nouveaux ménages intéressés par la vielle pierre et surtout par la centralité. La disparition de pans entiers de l’activité industrielle dont les composantes les plus vivaces ou les plus résistantes se délocalisent en périphérie, la modernisation du commerce et la disparition de l’artisanat viennent ensuite aggraver la crise fonctionnelle qui a tendu à faire partir les parties du peuplement actif et dynamique et à bloquer sur place les catégories les plus fragiles

Depuis, de façon graduelle et différée, la ville ancienne a été réhabilitée, modernisée et refonctionnalisée progressivement de façon cumulative. Là où subsistaient jusqu’aux années 70, de façon inégale certes, des peuplements composites, se sont opérés un rajeunissement et une géographie sociale diverse, de plus en plus dominée par les ménages des classes moyennes. Amorcé dans des villes de patrimoine remarquables ou à la faveur de politiques locales intelligentes et innovantes, le mouvement s’est généralisé dans l’ensemble des pays d’économie libérale et, aux villes d’Europe centrale et orientale depuis la chute du mur de Berlin, à la mesure des libéralisations effectives et des amorces de croissance des différents pays.

 

Un fait de plus en plus universel

-En France, la rénovation urbaine qui avait pris des tonalités accentuées, en a orienté le déroulement en créant de véritables traumatismes qui sont pour partie à l’origine de l’engouement pour des quartiers anciens fortement entamés et déstructurés. La destruction des Halles Baltard à Paris et ce qui en a suivi avec le scandale du « trou des Halles » mais également un grand nombre d’opérations traumatisantes de différentes villes de province ont généré une mobilisation progressive en faveur de la conservation des bâtis et des peuplements existants dans les quartiers anciens. Outre les destructions et les traumatismes produits par la spéculation immobilière financée par l’Etat, la rénovation urbaine a participé à la restructuration des peuplements du fait des mouvements de « déportation » massive des classes populaires vers les grands ensembles au cours des années 60.

 

-et généralement en Europe : Contrairement à la France, la plupart des autres pays du nord (Pays Bas, Grande Bretagne, Pays scandinaves)  comme du sud (Portugal Espagne, Grèce, Italie) ont pu conserver leurs tissus traditionnels malgré des processus similaires de dégradation et de rénovation parfois liés à des événements graves comme les destructions des guerres. Dans les pays méditerranéens, ce sont plutôt les résistances des structures dites traditionnelles qui, en l’absence de généralisation du capitalisme industriel dans ses formes fordistes, se sont maintenues dans les villes comme dans les campagnes, les résistances des unes et des autres ayant été liées.

 

- les villes nord américaines : On sait combien les villes nord américaines se distinguent depuis leur constitution par un mode spécifique de structuration et d’évolution, les quartiers anciens n’y prenant pas l’importance symbolique qu’ils ont en Europe. Dès le début du 20ème siècle., les zones centrales ont vu se constituer les doublets des quartiers d’affaires dominés par l’urbanisme de tours et grattes ciel (Central Business District, CBD) et des quartiers dégradés et occupés par les catégories ethniques et sociales les plus défavorisées.

Dans le mouvement général de concurrence des quartiers anciens par la croissance des « suburbs », se concrétise l’esprit de la frontière et de l’anti-urbanisme ». Celui-ci cohabite avec une histoire constructive dans laquelle ont été importés et expérimentés des modèles destinés à réformer, « à améliorer les conditions de vie de la collectivité » et à développer l’ordre urbain utile aux investissements et le beau.qui fut formalisé par le mouvement « City beautiful » ; tous les modèles sont cependant limités par le débat sur le Gratte ciel et par la croyance en des solutions techniques, celle du transport notamment, pour traiter les questions de l’accessibilité au centre ville ou de la densité nécessaire à l’attraction commerciale.

L’histoire constructive a cependant donné aux villes des trames et tracés, des édifices et des paysages aussi riches que secondarisés par la maison individuelle, les gratte ciel et l’urbanisation périphérique étale. L’équivalent des quartiers anciens des vieux continents se limite certes à des cas particuliers comme ceux des quartiers élisabéthains de la côte Est, de la veille ville de la Nouvelle Orléans ou du quartier Mission de San Francisco. Les Etats-Unis connaissent cependant à leur façon, des mouvements importants de valorisation…- à l’américaine-, .des héritages classiques qui apparaissent en cette grande région, comme une composante nécessaire à l’existence de la ville. L’orientation donnée par le tourisme et le spectacle, accompagne également des mobilisations sociales et culturelles autour de l’histoire faite. Bien que la revalorisation des quartiers anciens reste un phénomène marginal à la définition des cultures urbaines et notamment résidentielles, il convient de donner toute sa place aux fonctions référentielles des quartiers anciens et notamment du travail collectif autour de la mémoire urbaine qui participe à la pérennité des villes concernées. se retrouve sous des formes spécifiques dans les cités anciennes nord américaines aussi bien sur la Côte Est, qu’en Californie, en Amérique latine et centrale

 

- l’exemple et le cas du monde arabe:

Encore dominées par les processus de dégradation  et de destruction des quartiers et de l’habitat ancien, les cités asiatiques et africaines, présentent ponctuellement des mouvements de conservation et parfois de réhabilitation. Nous évoquerons le cas particulier du monde arabe.

Dans cette région, les médinas connaissent depuis le 19ème siècle un mouvement de déclin que la fin du 20ème siècle semble freiner et même dans certains cas interrompre par les programmes et dynamiques locales et encore très faibles de réhabilitation et requalification.

La question de la pérennité se conjugue dans le cas des villes « arabes » avec les problématiques du développement social et urbain. La situation des médinas traduit en premier lieu, les modes ségrégatifs de la modernisation coloniale et ensuite la situation générale des villes où elles constituent la partie traditionnelle et marginalisée. Le mouvement de modernisation qui a impulsé des classes nouvelles d’affaire et de cadres formés à l’école moderne, a été concrétisé dans les choix de vie par une option en faveur de la ville européenne puis aux indépendances pour les villas de faubourgs. La croissance de la ville s’y est constituée de façon ségrégée et en discontinuité avec les économies et les cultures sociales traditionnelles, la société s’organisant par adaptation et logique d’intérêts immédiats, les Etats étant accaparés par des groupes rentiers qui freinent toute constriction de consensus régulateur. La ville est sujette à des processus dominés par la spéculation et la prédation. Elle subit des dégradations souvent irrémédiables et d’autant plus raves que les populations des médinas y contribuent parfois volontairement pour être relogés ailleurs par l’Etat. La crise de l’habiter en médina est de ce point de vue similaire et équivalent à celui des quartiers anciens des villes européennes des décennies antérieures et l’on peut supposer que le cycle « paupérisation, dégradation, dépeuplement, aggravation de la vétusté, chute de la valeur immobilière, démolitions, spéculation et rénovation, reconquête progressive des parties conservées » se déroulera de façon plus destructrice qu’il ne l’a été en Europe. Les médinas présentent cependant la particularité de faire fonctionner des réseaux et surtout d’accueillir une économie traditionnelle et notamment des activités marchandes à caractère central. Il en résulte une résistance des structures économiques et sociales et des possibilités de convergence d’intérêt dans les programmes de protection et sauvegarde du patrimoine initiés par les organisations internationales, l’UNESCO principalement, dans de nombreuses villes comme Sanaa (Yemen), Alep, Damas, (Syrie) Le Caire, Alexandrie (Egypte) Tunis (Tunisie) et Fès (Maroc) et que les Etats réalisent -plutôt mal- parce qu’ils en tirent des profits et bénéfices matériels et politiques. Les quartiers anciens connaissent pour cela des réhabilitations et actions revalorisantes qui attirent des élites cultivées et, comme c’est le cas au Maroc, des étrangers. Il s’y profile progressivement des facteurs de définition de projets d’aménagement qui remettent en relief la concrétude des héritages en matière de ressourcement culturel et de construction de sens dans la ville contemporaine.

 

4-La renaissance des quartiers anciens, une réactivation de l’unité symbolique et historique des villes : portées et contextes des transformations.

 

Une rupture historique du rapport aux systèmes constructifs

 

Dans l’ensemble, ce mouvement devenu progressivement universel, suit une succession de phases de dégradation, de réhabilitation et « d’embourgeoisement » ou « gentrification ».

Ce mouvement général a pris une orientation particulière du fait de changements opérés à l’échelle internationale et à tous les niveaux de l’organisation sociale lors de la généralisation accélérée des systèmes de production industriels. Car tant que les rythmes et les modes de transformation se déroulaient lentement et sans modification des matériaux, la règle universelle de la non reconstruction de l’existant à l’identique et de la destruction des constructions anciennes ordinaires, à l’exception donc, des monuments et édifices symboliques, n’empêchait ni la continuité ni la durabilité de la ville. Mais les mutations récentes des systèmes constructifs et l’accélération de l’urbanisation dans des contextes ont fait perdre la maitrise sociale et culturelle des transformations par les populations comme par les institutions au point que les villes ont connu une disparition brutale de leurs héritages et du lien historique et culturel constitué entre l’espace et les sociétés urbaines La crise urbaine souvent appréhendée en termes de déficit de logement, de services et d’aménagement est pour cela aggravée par la crise sociale et culturelle du lien social, par la perte des identités, des  références et de la maîtrise de l’espace urbain par les habitants à commencer par celle des capacités d’autoproduction et de maitrise sociale du système global de construction.

 

La réactivation de l’unité symbolique des villes

 

La renaissance des quartiers anciens qui n’est en aucune manière une résurrection du passé et des cultures urbaines antérieures développées dans des espaces de patrimoine, montre une prise de conscience de l’importance du legs urbain originel et ancien des villes ainsi que la gravité du déroulement des processus d’urbanisation et de modernisation par la rénovation destructrice et traumatisante. Il constitue une rupture historique avec l’histoire universelle de la construction dans laquelle l’ancien a toujours été remplacé par le nouveau. L’émergence de pratiques de réhabilitation et de restructuration conservatrices de l’ancien, ouvre des possibilités de dépassement des systèmes constructifs dominants que l’histoire universelle a été faite de constructions nouvelles en lieu et place des constructions anciennes profanes et non monumentales. Les centres historiques et quartiers anciens réactivés, connaissent des renouvellements progressifs des populations auxquels se combinent en certains pays, des relogements sur place des habitants de classes populaires. Leur renaissance est faite de redéfinitions fonctionnelles qui indiquent d’une part leur « intégration » urbaine et d’autre part une réactivation de l’unité historique et symbolique des villes.

 

L’importance des contextes

Ces situations relativisent donc le facteur réactionnel aux excès et aux pratiques de la rénovation urbaine destructrice et perturbatrice des peuplements des quartiers anciens comme cela a pu être le cas en France posent la question des contextes qui font prévaloir soit la tendance rénovatrice soit la tendance intégratrice plutôt que conservatrice des sociétés urbaines. Chaque pays, chaque région et chaque ville apparaît avec une histoire particulière de la remise en question des formes de modernité et de modernisation des années d’après guerre. Les singularités des situations font prévaloir des particularités des régimes politiques et des économies qui orientent les structures sociales et spatiales telles que constituées par les régimes fonciers et les organisations économiques et sociales. Celles-ci orientent les systèmes constructifs, demandes et positionnements collectifs vis-à-vis de la vile existante et des modes de vie constitués à partir des opportunités et de l’établissement des hommes et des situations.de vie qui leur sont faites ou qu’ils .décident sous contrainte et par choix.

 

Le retour de l’habitant constructeur

L’économie foncière et immobilière qui a été fouettée après la guerre et pendant la reprise économique par la spéculation dans les quartiers centraux comme en périphérie, a généré des réactions sociales qui ont renforcé des forces politiques populaires et la recherche de solutions alternatives. Contre la puissance des forces spéculatives, ont émergé de nouvelles politiques municipales au cours des années 70 en France comme en Italie et en Allemagne tandis que le Portugal et l’Espagne se démocratisaient sous la direction de forces de gauche favorables au maintien des populations pauvres des quartiers anciens. Avec ce mouvement nous assistons donc dans les quartiers anciens et certainement dans les processus d’auto-construction des pavillons et maisons individuels comme de « retape » du logement, à un retour relatif de l’habitant constructeur qui avait été effacé par le mouvement moderne de l’urbanisme « progressiste » corbuséen.

 

- la mutation des valeurs de la modernité :

Le regain d’intérêt pour les quartiers anciens peut être rapporté aux inflexions apportées à la diffusion des valeurs et des matérialités de la modernité. De nombreux processus comme la diffusion du bricolage et la constitution de nouveaux systèmes de production et d’aménagement des constructions, ont participé à l’interruption progressive des modes antérieurs de modernisation. Avec la montée croissante de nouveaux modes de vie structurés par l’individualisation et l’affirmation de droits et libertés d’une part, et d’autre part, les mouvements d’accès à la propriété et de développement de la maison individuelle telle facilitée et impulse par la motorisation et les déplacements, les usagers sont devenus des acteurs de la construction ou des modifications apportées à celle-ci. La modernité a pris ainsi de nouvelles configurations dans lesquelles les anciennes oppositions entre centre et périphérie, habitat collectif et habitat individuel, référence à l’ancien et culture de la modernité dans la contemporanéité ne prennent plus un sens univoque et péjoratif.et constituent des éléments que les individus utilisent en onction des situations de vie.

 

 

3- la ville ancienne et les nouvelles cultures urbaines : une production de la contemporaneïté

La diversité comme matrice

Le mouvement de renaissance des quartiers anciens ne saurait être interprété comme rétablissement d’une situation ancienne par la réoccupation valorisante d’espaces de patrimoine. Ce mouvement.qui a redonné de l’importance à des espaces constitue en effet une rupture avec l’histoire des lieux et indique des transformations profondes des structures urbaines. Les centres anciens ayant survécu à la rénovation urbaine ont été constitués depuis la fin du 19ème siècle par la juxtaposition de quartiers bourgeois, haussmanniens et de quartiers populaires centraux ou péri-centraux plus anciens dont l’histoire à dominante médiévale et moderne, peut remonter l’antiquité. Lié à des fonctions nombreuses de pouvoir, de police et d’édilité, d’administration, de commerce et de petite industrie, leur fonctionnement dans l’histoire moderne a été configuré par des échelles et des divisions sociales propres à l’économie industrielle et l’organisation bourgeoise et petite bourgeoise de la société et de l’espace. Divers traits comme la coexistence complémentaire de fonctions (gestion de rente, administration, commerce, service, éducation, industrie, police et armée, transport et entreposage,..) et de groupes sociaux fortement différenciés (bourgeoisie et petit patronat, clergé, petite bourgeoisie de clercs et de rente, ouvriers, employés, domestiques,..) s’inscrivaient dans un ordre social et spatial bien codifié et ségrégé verticalement. La ville s’opposait alors à ses faubourgs et à ses campagnes par l’activité, l’argent, l’éducation et la concentration des pouvoirs. Elle signifiait la prééminence de la culture de classe des différentes bourgeoisies qui marquaient l’ordre spatial des quartiers centraux.

 

- le tourisme, un ingrédient contradictoire de la modernité

L’un des ressorts majeurs de ces transformations contemporaines, à l’échelle internationale, est celui de la conservation des monuments et édifices qui a entrainé ou été prolongée par des mouvements plutôt localisés de défense et de préservation des tissus anciens dominés le plus fréquemment par des systèmes d’habitat populaires ou pauvres.

- le mouvement de valorisation des héritages urbains a été particulièrement fouetté par celui de la croissance et de la modernisation continue.qui s’est matérialisée à partir des années 80, dans la dynamique des villes, principalement les villes touristiques. Celles ci « se sont organisées autour de deux grands axes : d'une part, un axe de valorisation de l'existant qui a laissé la part belle aux villes d'art anciennement instituées, donc dotées d'un patrimoine monumental de premier ordre ; d'autre part, un axe de production d'un capital valorisable qui a pris la forme de grands projets d'infrastructures culturelles et/ou sportives et les événements qu'elles induisent. Cette capacité à valoriser un capital ancré dans des imaginaires anciens de la ville (Paris, Londres, Vienne, Venise, Rome, Washington, Kyoto,..), redéploie le patrimoine de la ville autour d'une innovation architecturale (les villes espagnoles, Berlin, les villes britanniques, Las Vegas,…) et de la restructuration, de l’embellissement et de la valorisation par une offre urbaine de destinations touristiques.

-Si la muséification est un mode dominant de valorisation de la ville ancienne en tant que processus générateur de la fréquentation touristique, la renaissance des quartiers anciens s’inscrit dans la dynamique sociale comme une réappropriation de la mémoire par les pouvoirs et par les élites et participe à la diffusion de cultures et représentations de l’histoire des lieux. Le retour sur le passé se fait par la mobilisation de corps sociaux et techniques et d’institutions et associations qui marquent les lieux et participent à la définition des lieux. dans la consolidation des pluralités vitales, l’une raccordée au temps présent et l’autre à la longue durée

- la fréquentation touristique favorise la constitution de commerces spécialisés et l’établissement d’activités qui génèrent des hausses des valeurs foncières et des mouvements spéculatifs qui entretiennent un « turn over » des populations au bénéfice de classes moyennes et supérieures.

- concomitantes à des changements de l’organisation commerciale dans laquelle sont apparus dès les années 70, les commerces à succursales multiples puis les chaines de distribution de plus en plus modulées en fonction de clientèles spécialisées, des dynamiques commerciales ont lentement succédé à l’agonie des commerces et activités anciennes liées  l’économie industrielle. L’invention et l’appropriation commerciale des quartiers s’organisent à la faveur des réaménagements par la piétonisation et des transports urbains mettant fin à la dispute entre le commerce qui cherchait la voiture et la ville ancienne qui en a souffert.

- plus récemment, au cours des années 90 et principalement dans les villes nord américaines comme à Providence ou à la Nouvelle Orléans, se sont développées les fonctions ludiques modernes orientées par les grandes industries touristiques d’envergure internationale On assiste à l’instauration du  spectacle et de la fête qui revient dans la ville qu’elle a marqué au cours du Moyen âge.

 

La mixité et la mobilité dans le nouvel air de la ville

L’occupation et les marquages actuels des quartiers anciens sont à l’inverse caractérisés par la diversité sociale et un cosmopolitisme particulier : : le poids spécifique des jeunes et notamment des étudiants, celui de populations issues de plusieurs générations de migrants, la présence de catégories de cadres , ingénieurs et techniciens mais aussi de professionnels de la culture et des services de proximité et la forte fréquentation des quartiers anciens par des visiteurs, ce sont là des traits de composition auxquels correspondent des styles de vie et de relations sociales pluriculturels et interclassistes.

Nous identifions ainsi des cultures urbaines propres aux quartiers anciens, significatives des traits de la ville et des cultures contemporaines à savoir principalement des traits de mixité, de rapport à la mobilité et de prééminence de la culture et des loisirs.

- la mixité sociale des quartiers anciens européens et américains conjugue les effets de l’histoire sociale des peuplements, du retour important de la vie étudiante et des effets de la fréquentation touristique. Bien que la composition sociale soit orientée par la hausse croissante des valeurs immobilières et de la pression de la demande sur une offre restreinte, les quartiers anciens de l’ensemble des pays européens et des villes américaines ont connu des mouvements de maintien sur place de catégories de migrants, de groupes sociaux vieillissants issus des classes populaires et de catégories de personnes singularisées par leurs modes de vie. La forte importance symbolique des quartiers et les fonctions de centralité culturelle et ludique y favorisent des codes anticonformistes et de mode qui participent de l’attraction sociale. Il s’y développe ainsi cet « air de la ville qui end libre selon la formule de l’Ecole de Chicago.

 

- La mobilité de la ville contemporaine est également présente dans les quartiers anciens malgré des positions géographiques et topologiques fréquemment limitatives de vitesse. La desserte systématique de ces quartiers par les transports en commun (bus, trams, métro) qui y convergent selon des configurations spécifiques des tracés et des aménagements, amène des flux importants de visiteurs étrangers et des quartiers périphériques aux jours et heures de loisirs et de chalandise., à l’occasion de la fête organisée autour de la chalandise diversifiée (brocantes, soldes, commerces  thèmes, marchés de noël, fêtes nationales et manifestations liées à des exploits sportifs ou autres ). Cette mobilisation du spectacle (David Harvey,) que permet le renouveau commercial développé dans les nouvelles formes du capitalisme commercial, contribue fortement à l’attractivité des quartiers anciens qui permettent aux « banlieusards » de troquer la civilité et la foule contre l’exclusivité territoriale et la solitude des individus.

 

 

- L’air des quartiers anciens est constitué par des lieux remarquables de plus en plus valorisés par l’éclairage urbain et l’aménagement de l’espace : édifices anciens, maisons remarquables, ruelles et terrasses de cafés et de restaurants installés sur les espaces piétons de mieux en mieux traités au sol, commerces, concertes en plein air ou en salle, conférences et forte densité de l’information politique, sociale et culturelle densifient l’offre de l’espace urbain et se prolongent dans les territoires de la communication individualisée du téléphone portable et du cybercafé.

 

La culture s’approvisionne dans le récit et dans le rapport à l’altérité : Des grandes cités européennes aux cités d’Orient

Ces traits devenus universels caractérisent les quartiers centraux en général et parmi eux les quartiers anciens. Devenus constitutifs de la fréquentation de la ville, ils sont recherchés par le passant ordinaire comme par le visiteur qui tend cependant également à rechercher des traits plus singuliers. Les traditions commémorées, l’originalité des espaces et des établissements et surtout les marquages culturels des cités prennent ainsi une place majeure dans l’identité des villes et indiquent par là même des indicateurs de pérennité.

De nombreuses villes comme Venise ou Paris, pour ne prendre que les cas les plus remarquables, ont connu une explosion spectaculaire de leur fréquentation touristique. La qualité extraordinaire du patrimoine et de la vie urbaine de ces cités contribue fortement à l’admiration universelle de la ville ancienne lorsqu’elle s’organise pour valoriser son patrimoine architectural, urbain et artistique en proposant du même coup, la dégustation in situ de cultures urbaines particulièrement mises en scène, symbolisées par les références historiques, littéraires et artistiques. La ville ancienne constitue indéniablement une fonction incontournable dans la construction de la fascination culturelle qui impose universellement un modèle de ville pérenne.

-La vieille ville du Caire donne un exemple remarquable de la fusion faite culture identificatrice, des lieux remarquables chargés d’histoire et de mémoire, comme la Mosquée université d’Al Azhar ou  comme le café Fichaoui de Khan Khalili, de la figure du grand écrivain Prix Nobel, Naguib Mahfouz qui a figuré et romancé l’histoire sociale du petit peuple et des luttes de pouvoir.

- La médina de Marrakech dont la fréquentation touristique occupe une place essentielle voire centrale dans la réputation et le succès de la ville tant auprès des masses de touristes que des étrangers qui s’y établissent ou y acquièrent un bien à usage ludique ou commercial, constitue un cas particulier certes. Elle n’en est pas moins constitutive de l’identité de la ville qui est organisée principalement autour des activités productives et commerciales qui s’y déroulent ou y aboutissent. Car la spéculation (principalement immobilière) et la dynamique générale de la cité telle qu’organisée autour du tourisme mais également de l’exportation de produits artisanaux (mobilier, tissus, objets traditionnels et confection exotique,..) est totalement liée à l’image de la ville donnée par la médina et sa fréquentation.

 

Quelle ville construire aujourd’hui ? Ville pérenne et compétences

Françoise Choay insiste régulièrement à propos de patrimoine et d’urbanisme sur le problème de « la conservation et de la sauvegarde de compétences universelles aujourd’hui menacées par la mondialisation » Reprenant et élargissant l’approche de Alberto MAGNAGHI elle définit « une appropriation patrimoniale locale et dynamique, individuelle et collective » comme « une réappropriation par l’usage et la pratique d’un patrimoine bâti local non seulement solidaire  Les», « de la réappropriation de l’ensemble des patrimoines locaux » qui ne peut être ni conçue ni réalisée sans un projet en commun associant tous les intéressés et conjuguant fidélité au passé et projection vers l’avenir , dans la vraie découverte d’une vraie durée quartiers anciens apparaissent comme un modèle universel de référence,  prennent des formes différentes selon les contextes, ils suivent des processus et s’articulent au présent selon des règles et modalités qui aboutissent à la constitution de traits universels

Définissons à ce niveau de l’analyse, la ville pérenne comme une construction de place centrale à haute valeur culturelle et symbolique autour de l’image et de l’identité  

Les cultures contemporaines constituées dans les centres anciens tendent à former un noyau dur qui résiste aux transferts de fonctions vers des secteurs considérés comme plus fonctionnels par leur accessibilité en voiture et par leur organisation commerciale selon les termes de la communication et de l’animation commerciale. Elles se définissent par des traits contemporains comme :

- la puissance des références culturelles et de la capacité de rassemblement autour des établissements culturels, de la fête, du commerce et de la flânerie quotidienne, de la fréquentation des cafés et des marchés,

-       la flexibilité du commerce et du peuplement dont les transformations permanentes organisent des évolutions assez douces dans lesquelles les ségrégations peuvent en elles mêmes constituer des facteurs d’attractivité.

-       la marginalité distinctive et assez sobre ou moyenne pour attirer toutes catégories de personnes et de classes

-       la production de valeurs urbaines nouvelles à caractère culturel, technique et commercial

-       la fonction touristique qui en donnant à voir la ville, permet la mise en scène de soi en lien avec le retrait protecteur de l’intime

et surtout – une inscription remarquable des quartiers dans la ville étendue grâce à la relance d’activités traditionnelles classantes comme les fonctions universitaires, culturelles et artistiques.

Les quartiers anciens exercent à ce titre un rôle identitaire et unificateur des villes auxquelles ils apportent la référence qui fait la pérennité par la capacité de renouvellement dans le contemporain. La nature de la ville s’inscrit comme culture génératrice de respect de l’œuvre urbaine. Elle a appelé de  nouvelles manières de faire de l’urbanisme dans toutes ses échelles : restauration et requalification des éléments de patrimoine remarquable et ordinaire, embellissement, aménagement de détail, piétonisation et transformation créatrice des systèmes de voirie et de définition des circulations, réalisations de nouveaux édifices remarquables d’intégration, aménagements des liaisons avec les agglomérations par la modernisation des transports collectifs et des déplacements, animation culturelle, commerciale et sociale de la ville et gestion des problèmes d’insertion et d’intégration sociale, développement des modes de gestion politique, etc.

A la suite de Camillo SITTE, nous pouvons relancer la question des leçons que donne la ville ancienne selon la formule de  Jean REMY qui en fait une matrice pour l’invention de nouveaux lieux urbains(

Il s’agirait aujourd’hui notamment :

- des rapports entre continuités et ruptures , où il semble nécessaire de s’interroger sur les capacités de résurgence de l’existant ou encore de requalification sur la base de la légitimation des espaces illégitimes ou illégaux et nous pensons là aux bidonvilles et à l’habitat informel ; dit spontané situé sur des terrains non dangereux et dont nous avons régulièrement constaté les potentiels résultats des compétences habitantes

- de la question de la composition de la ville que les évolutions vers la mono fonctionnalité (habitat, industries, commerces, services) rendent de plus en plus sommaire, composition qu’il est toujours indispensable d’engager en restant à l’écoute des évolutivités ouvertes par les dynamiques de l’espace.

- des fonctions stratégiques de l’espace public qui est à l’origine de la cité avec la constitution de l’agora, du théâtre et de la basilique et là de la capacité des sociétés urbaines à accompagner les transformations des espaces publics par les usages ,  

- du problème du croisement et de la fécondation des oppositions qui parcourent la ville notamment en matière de changement des échelles par les individus qui, plus encore dans les sociétés contemporaines où les technologies (portable, image, ..) ouvrent en permanence des séparations et des connexions entre le public et le privé, le commun et l’intime, le travail e le loisir, etc., problème appelant la collaboration entre l’urbaniste et le sociologue et l’anthropologue,

Etc.

La visée de la pérennité serait ainsi contenue dans une action qui ferait la ville de sorte « qu’elle puisse recevoir ce qui vient tout en restant elle-même »et à « refuser la primauté du travail sur l’espace qui doit être plutôt un outil » pour « accueillir mieux le temps qui passe » (Yves LION, 1994 ,

Nous situons ainsi les quartiers anciens que nous avons étudiés comme un exemple aussi central que commun de la ville dont la plupart des parties spatiales ou sociales, appellent un travail de valorisation. Le projet, qu’il soit celui du Prince ou de la collectivité ou encore d’un dessin collectif non formalisé, est susceptible de générer de la pérennité, du beau et de l’harmonieux avec la ville existante qui serait appelée à se continuer en défiant les lois du hasard historique et de la création.

Pertuis, le 4 févier 2007


Elements bibliographiques

BOUMAZA, Nadir, Ethnicisation, fragmentation et politiques urbaines, in, NAVEZ-BOUCHANINE, F., 2002,op.cit,

BOUMAZA, Nadir, 2006, (et alii.) Ville réelle, ville projetée. Villes maghrébines en fabrication. Maisonneuve et Larose,

CHOAY, Françoise, Urbanisme, Utopies et réalités, Seuil, 1965

CHOAY, Françoise, La règle et le modèle, Seuil, 2ème édition, 2003,

CHOAY, Françoise, Structures identitaires et universalité, Les Cahiers de la Ligue urbaine et rurale, 2001,

CHOAY, Françoise, L’art d’édifier, Traduction en collaboration avec Pierre CAYE, du De re aedificatoria de Leone Battista ALBERTI, Le Seuil, 2004

COING, Henri, Rénovation urbaine et changement social , Editions ouvrières, Paris, 1966

DUBY, Georges, sous la direction de , Histoire de la France urbaine, volume V,

HARVEY, David, L’accumulation flexible,  traduction de Anne QUERIEN, Futur antérieur, 1995, 3

LACHAPPELLE, Jacques, Le fantasme métropolitain, op.cit

LION, Yves, L’architecture c’est d’abord et surtout, une pratique sociale, Entretien, Le Monde, 25 janvier 1994.

MADOEUF, Anne, La ville ancienne, espace de tous les patrimoines, Egypte/Monde arabe, N° 28, 2è trimestre 1996, CEDEJ, Le Caire, p. 59-79

MAGNAGHI, Alberto, le projet urbain, Mardaga Editions, trad. de l’italien, 2003.

MANGIN, David, La ville franchisée, p.20-24, Editions de la Villette, Paris, 2004.

n°150, p.16.

NAVEZ BOUCHANINE, Françoise, 2002, La fragmentation en question, L’harmattan

REMY, Jean, De la ville visible à la ville invisible, in, La ville étalée en perspectives, sous la direction de l’association des Professionnels de l’Urbanisme de Midi Pyrénées et de l’EST de Barcelone, Champ social ed. 2003

 


 

Sur la pérennité urbaine :




CHOAY, Françoise, La règle et le modèle, Seuil, 2ème édition, 2003, P.318

Considérant la pérennité comme une potentialité de la ville, nous insisterons ici sur l’intérêt des expériences des renouvellements urbains des périphéries. Elles permettraient de montrer que la plupart des productions urbaines offrent des ressources pour un tissage ou une couture de la ville existante.

CHOAY, Françoise, L’urbanisme. Utopies et réalités, Ed du Seuil, 1975.

Présentation du Laboratoire de sociologie urbaine de Lausanne.

LEFEVRE, Henri, La production de l’espace, Seuil, 1964

Renvoyons à l’appel au Colloque et notamment: « En effet, quand la ville est en perpétuel mouvement et en incessante recomposition, quand elle peut décliner, voire disparaître, se pose la question de ce qui fait la ville, de cette identité urbaine qui transcenderait les lieux et les cultures. Sans doute aussi, au moment où la notion de développement durable est si capitale, cette réflexion se justifie-t-elle par des raisons territoriales et temporelles, car l’urbanisation traduit une conquête protéiforme, plus ou moins lâche, toujours répétée et fort banale des espaces, tandis que la ville renvoie à la singularité, à l’héritage, à la complexité, à l’esthétique, à l’exception. Si aucune ville ne ressemble à une autre, au même moment cet objet spatial est azonal et capable de traduire la durée. Son examen permet donc de comprendre en quoi un phénomène est durable et quels sont les traits forts à retenir pour conduire le devenir des sociétés urbaines ».

CHOAY, Françoise, La règle et le modèle, op.cit. p. 309 Seuil,

 

COING, Henri, Rénovation urbaine et changement social

DUBY Georges, sous la direction de , Histoire de la France urbaine, volume V,

LACHAPPELLE, Jacques, Le fantasme métropolitain, op.cit.

LACHAPELLE, Jacques, Le fantasme métropolitain, Presses de Montréal, www.erdudit-org/livre/lachapellej/2001/livre/1div7.htm

La colonisation française et britannique a aggravé la situation des médinas par le mode de gestion et d’exploitation économique, sociale et politique qui a constitué la modernisation dans la ville moderne « européenne », la situation extrême ayant été faite aux cités précoloniales algériennes Algérie, par leur amputation et leur abandon aux processus spontanés d’accueil des masses de ruraux paupérisés.

Nous rappellerons ici les analyses et les prises de position de Françoise CHOAY, contenues dans sa présentation de l’œuvre d’Alberti et dans son éloge du travail de Alberto MAGNAGHI sur le projet urbain.cf Bibliographie.

HARVEY, David, L’accumulation flexible, 1993, traduction de Anne QUERIEN, Futur antérieur, 1995/3,  ,

MADOEUF, Anne, La ville ancienne, espace de tous les patrimoines, Egypte/Monde arabe, N° 28, 2è trimestre 1996, CEDEJ, Le Caire, p. 59-79

CHOAY, Françoise, Structures identitaires et universalité, Les Cahiers de la Ligue urbaine et rurale, 2001, n°150, p.16.

MAGNAGHI, Alberto, le projet urbain, Mardaga Editions, trad. de l’italien, 2003.

REMY, Jean, De la ville visible à la ville invisible, in, La ville étalée en perspectives, sous la direction de l’association des Professionnels de l’Urbanisme de Midi Pyrénées et de l’EST de Barcelone, Champ social ed. 2003

LION, Yves, L’architecture c’est d’abord et surtout, une pratique sociale, Entretien, Le Monde, 25 janvier 1994.

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