L'élévation attendrissante
Sous
le ciel de Aïn SEFRA
Récits
et nouvelles sur la torture pendant la guerre d'Algérie. ed.
El Gharb, Oran, 194 p.
On
en trouve peu dans la littérature off, des récits et nouvelles
alertes, cocasses et fraîches d'une mémoire vivante qui compose des
situations excellemment cadrées dans le temps, l'espace, la nature
et l'ambiance d'une cité et d'un terroir lumineux. Faites du
souvenir d'enfant marqué par la perte assassine du père et les
aberrations d'un autre temps commises sur des innocents coupables de
faire partie d'un peuple défait, pris comme objet de tortures et
avilissements sadiques, elles font rire et sourire, émeuvent dans
l'étonnement et attendrissent avec l'agilité du verbe et des
rythmes qui fait éviter la compassion, la colère ou tout
ressentiment.
Dans
cette livraison poétique aussi vraie que généreuse et surprenante
par ce qu'elle montre de la vie et d'un temps difficile, Boutkhil
BEGHDADI dont le nom même est celui d'un lieu patrimonial
pré-saharien, nous donne une leçon de générosité, un parfum de
lieu et de temps que ne gâche même pas la trame historique d'une
folie heureusement passée, dont les traces élèvent les plus
humbles à la plus grande dignité.
Ses
récits et nouvelles introduits par une belle préface de
l'anthropologue, Abderrahmane MOUSSAOUI, racontent un temps essentiel
de l'histoire sociale et font revivre une écologie humaine
pré-saharienne qu'il importe de repenser.
Les
affres et souffrances de la répression d'un colonialisme agonisant
et de plus en plus cruel de sauvagerie et d'infirmité mentale, y ont
pour pendant l'éternité des lieux et de leur lumière, la
frugalité, la résistance des humbles dont les souffrances endurées
alimentaient la force morale, la modestie et la sagesse.
L'auteur
lui même qui y a perdu son père et recueilli sa sépulture en sait
et en livre de façon pudique un témoignage exemplaire, si éloigné
du mercantilisme professionnalisé de la mémoire de la guerre de
libération nationale
Il
est bon de lire et relire l'un et l'autre de ces beaux textes, de s'y
attarder.
Ils
font sourire, rire, s'attendrir et étonneraient de l'intime
proximité entre le monde simple des petites gens de AïN SEFRA et
l'expression si belle par la langue française si l'on oubliait que
la culture, la langue, l'écriture et l'intelligence constituent
précisément l'universalité.
Et
l'on peut aussi s'attrister de constater combien la société
algérienne est en train de se dénuder de ses cultures populaires et
de l'intimité du rapport qu'elle a longtemps eu avec le milieu.
Grâce
à ce recueil, il reste à méditer sur l'évolution contemporaine
dans laquelle l'enrichissement et les progrès techniques n'intègrent
pas le capital anthropologique de nos sociétés locales qu'il
importe pourtant et de façon urgente, de protéger, consigner et
intégrer dans la construction du futur.
Merci
à Boutkhil BEGHDADI de cette belle contribution à la mémoire et à
la sauvegarde des cultures populaires algériennes.
Prix
très modique de 400 DA versé à une association
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