Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
nadirboumaza-overblog.fr

La religion, l’Etat et ce qui en reste chez les citoyens musulmans. Sur les représentations « ordinaires » de l’islam aujourd’hui face aux crises di

27 Décembre 2011 , Rédigé par Nadir BOUMAZA Publié dans #Islam - islamisme - fondamentalisme

La religion, l’Etat et ce qui en reste chez les citoyens musulmans

Sur les représentations « ordinaires » de l’islam aujourd’hui face aux crises diverses

 

Réagissant à l’actualité sur "Facebook", une étudiante algérienne, notait le 26 décembre 2011, que les relations qu’entretenait la Turquie avec Israêl étaient contraires à l’Islam. Elle reprenait ainsi innocemment des idées dominantes au sein des pays musulmans où la religion est enseignée par les Etats dans le cadre de l’Education nationale au lieu qu’elle le soit dans les familles et dans des institutions religieuses aptes et dignes à se consacrer totalement à la religion de façon libre et indépendante. Ce qui n’empêcherait en rien les Etats de jouer leur rôle légitime et nécessaire à la paix et à la tranquillité des populations, de « veille » sur les idées et principes défendus par des religieux.

L’un des résultats majeurs de l’éducation religieuse (mauvaise) conduite par les Etats des pays musulmans est la simplification réductrice et dangereuse de ce que serait la religion , l’islam en l’occurrence réduit dans la pensée commune en interdits et en obligations, quelquefois mais à peine, en valeurs, en culture, en philosophie responsabilisatrice des croyants et des humains en général.

Pourquoi faudrait il se focaliser sur ce que l'Islam interdirait ?

La Turquie est un Etat nation qui mène sa politique de façon variable. Effectivement il faut se demander pourquoi ce pays a eu des relations fortes avec Israêl mais l'Islam ne peut avoir une position sur les faits qui se sont déroulés après la mort du prophète.

Faut il regarder ce que dirait l'islam ou plutôt analyser les intérêts des pays et celui de la paix? Dans le premier cas faut il aux musulmans une attitude "intégriste" qui applique strictement les principes énoncés dans le Coran et dans la sunna ou réformer l'islam en fonction de notre époque où la vie, la paix, suivent d'autres règles que celle de 610/632 .

Les relations entre l'islam et les juifs sont celles qu'a eues le Prophète et celles ci sont complexes faites de proximité et de rejets certainement sans rapport avec la religion juive relations elles mêmes, dûes aux pratiques d'une communauté qui fut importante en Arabie et dont les membres exerçaient des foncions dominantes à la naissance de l’Islam.

La civilisation musulmane comme référence n’est pas celle qui est présentée par les systèmes éducatifs et par le discours sur la religion

Dès la constitution de l’empire Omeyyade, (661-750 JC ) s’est développée cependant

une pensée nouvelle critique qui fera le succès de l’islam comme civilisation et non comme religion en expansion par la guerre. Les grands spécialistes musulmans de l'Islam classique «abbasside (750—1258) , celui de la civilisation n'ont pas accordé d'importance à ces points mais à d'autres et ont discuté plutôt de l'interprétation de points. La question est donc de savoir si un musulman doit avoir l’esprit de l’ijtihad ou l’esprit des années de guerre de la naissance de l’islam. Les grands penseurs ont adopté la voie de la raison critique.

Sur Israêl, la question est simple et complexe à la fois : Israël est un Etat colonial qui qui a fait souche. La revendication palestinienne doit s’y adapter comme le font les mouvements palestiniens. Ce qui compte c’est l’attitude que prennent les palestiniens pour arriver à avoir un Etat et des droits. Ils ont choisi ou refusé la voie de la destruction de l’Etat d’Israël. La Turquie a traditionnellement eu des relations fortes avec Israël. La venue des islamistes au pouvoir a changé cette politique. Est ce l’islamisme qui change la politique ou la politique des islamistes de l’AKP et de Erdogan ?

L’attitude que les Musulmans gagnent à prendre est fort diverse d’un courant à l’autre. Elle oppose les radicaux extrémistes qui veulent penser le monde moderne à partir de l’islam dit des origines que personne ne connaît.

Cela pose la question de savoir ce qu’est leur modernité : conquérir le monde par le prêche et le terrorisme ou, adopter les avancées technologiques et interpréter avec ijtihad,

la tradition du texte coranique, de la sunna et de la civilisation musulmane, suivre Ibn Rochd ou ibn Taymiya , deux penseurs opposés du 12ème siècle

La réforme, "al islah" a déjà été pensée au 19ème siècle par Mohamed Abduh et Jamal eddine al Afghani

L’islamisme qui est très divers, a pris à l’époque moderne la voie du réformisme (al islah) de Mohamed Abduh ((Delta du Nil, 1849 - Alexandrie, 11 juillet 1905)., lequel a préféré le progrès occidental pour lequel il a suggéré que soit adaptée la pensée musulmane.

Inspiré de Ibn Arabi , d'Ibn Arabi, Il a « affirmé le rôle de la raison comme guide de la vraie foi » et défendu la renaissance de la civilisation arabo-islamique, le combat contre la domination étrangère, les gouvernements musulmans, la corruption et contre la division au sein de la communauté musulmane. Il a opté pour les sciences modernes et l'idée d'une réforme de la langue arabe ainsi que l'importance de l'instruction, condamné la corruption et la polygamie et affirmé que le régime parlementaire n'est pas incompatible avec l'Islam.

De là l’idée de la Nahda (Renaissance) du 19ème siècle que les dirigeants et régimes arabes des indépendances ont engloutie aux indépendances préférant s’approprier (patrimonialisation) :

- les Etats,(jusqu’à la succession de père en fils),

- les sociétés (qu’ils régentent) et

- la religion nationalisée comme le pétrole,

- l’école et

- le projet de développement présentés comme objet et raison du maintien de dynasties familiales à la tête des institutions et des Etats des pays du Moyen Orient et d’Afrique du nord.

 Dans ces pays d'ancienne tolérance et de civilisation où ils ont occupé historiquement une importante place, le christianisme et le judaîsme sont craints et oubliés suite aux pratiques des systèmes coloniaux qui les ont détachés de la civilisation musulmane et  qui ont fait des "musulmans", des sous citoyens sur leurs propres terres. La civilisation musulmane est quant à elle ignorée, quoique instrumentalisée comme outil idéologique nationaliste régressif et nostalgique. 

  Les causes des crises qui secouent les pays de la région sont là. Elles montrent l'obligation de choix d'une voie autre que celle qui consiste à reprendre bizarrement les ingrédients du modèle colonial modernisé dans les modèles de développement considérés comme des technologies et modèles qu'il suffit d'acheter et de diffuser selon les possibilités données par l'argent de la rente. Elles confirment les analyses de Frantz Fanon et de Albert Memmi sur le complexe du colonisé et les  thèses les plus critiques sur le développentalisme.

Au Maghreb et au moyen Orient, plus qu'en d'autres régions du monde semble t-il, les idéologies simplificatrices des cultures et des religions qui en sont, ont été largement diffusées au sein des populations, à travers les systèmes éducatifs et les médias pour le moins. Elles semblent opposer ce que les puissances et idéologues occidentaux considérent comme des laïcités des Etats et des élites aux visées et aux idéologies des mouvements et mouvances dites salafistes et plus largement islamistes. Elles semblent à l'inverse constituer le tapis culturel moyen ou général des sociétés contemporaines formatées par les états nations issus des indépendances et contrôlés par des "bureaucraties" du modèle weberien. Loin de constituer des spécificités culturelles, les systèmes politico idéologiques qui dominent les sociétés dites musulmanes rappellent les les liens entre classe politique, armées et bureaucratie qui ont fait l'Europe du 19è/première moitié du 20ème (1) plutôt que les sociétés hydrauliques de Karl MARX ou les sociétés asiatiques de Max WEBER.

La question à l'ordre du jour des pays dits musulmans qui vacillent entre révoltes, répressions et constructions nécessairement difficiles de la démocratie est ainsi celle de la sortie des explications religieuses du monde.

Données comme ingrédients ordinaires à des populations mal et massivement scolarisées, qui ne connaissent de l'islam que ce que leur en disent les prêcheurs fonctionnarisés ou à peine scolarisés et révoltés, ces explications constitueront certainement les lieux de blocage des transformations en cours dès lors qu'opéreraient les changements politiques inévitables.  

 1- Howard G. BrownPouvoir, bureaucratie et élite d'Etat ; la politique révolutionnaire du contrôle et de l'administration de l'armée, 1791-1799 Annales historiques de la Révolution française,   Année   1996 , Volume   303, Numéro   303, pp. 119-138.

références

Ibn 'Arabi”, Encyclopaedia Universalis, vol. 11, Paris, 1996, p. 869-871

 Weber,Max,Le Savant et le Politique (1919), préface de R. Aron et traduction par J. Freund, Plon, 1959 ,

 Weber,Max,Économie et société (posthume 1921), traduction du tome 1, Plon, 1971 ; édition de poche, Pocket, 1995, 

 Weber,Max,La ville (extrait du tome 2 d'Économie et société), traduction par Ph. Fritsch, Aubier, 1982

MEMMI, Albert, Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur, éd. Buchet/Chastel, Paris, 1957 

FANON, Franz, Peau noire, masques blancs, 1952 

BENZINE, Rachid (2004, 2008). Les nouveaux penseurs de l'islam. Éditions Albin Michel. (ISBN 978-2-226-17858-9)

FANON, Franz, Les Damnés de la Terre, La Découverte, 1961 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article